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LE CAPITAL ET SES SECRETS DE JOUISSANCE

Marximum est une fête. J’ai décidé de fêter les 150 ans de la parution de Das Kapital en publiant cette rubrique « Le Capital et ses secrets de jouissance » qui sera orientée par l’analyse transférentielle, celle qui est proposée par la Psychanalyse Sociale.

Marx est le premier analyste du transfert social, qu’il nomme « Wertübertragung », « Transfert de valeurs », et la lecture du Capital oriente dans ce cadre les psychanalystes qui ont choisi de renverser un ordre sectaire et partent d’une autre base que celle définie par Freud ou Lacan.

 

Lire Le Capital donc !

Quoi de neuf 150 ans après ? Cette critique de l’économie politique faite par Marx n’est-elle pas issue du capitalisme du XIXème siècle, de la révolution industrielle ? Qu’en dire à l’heure de la révolution numérique ?

Le Capital n’est pas une bible : il n’a pas de contenu doctrinal - Marx indiquait qu’il ne se considérait pas marxiste - et doit être pris plutôt comme un début d’analyse qu’une fin.

L’actualité du Capital réside à mon avis dans quelques points essentiels : il s’agit d’une analyse du transfert de valeurs dans le système capitaliste et ce transfert est pris dans les rapports sociaux de domination fondés sur le profit. Lorsque l’on sait à partir d’une étude faite par Oxfam International  publiée il y a un an, que 1% de la population mondiale possède plus de richesses que les 99% restants, il peut être affirmé que la ségrégation sociale basée sur le profit est plus florissante encore qu’au XXIème siècle, développement technologique aidant.

Que faire ? pour reprendre le mot célèbre de l’auteur principal de la Révolution de 1917. Sans doute pouvoir effectuer « une analyse concrète de la situation concrète » en suivant Volodia, et pour cela partir d’un nouveau rapport au savoir et au savoir y faire. Là se trouve le second point d’actualité du Capital : Marx introduit un nouveau rapport à la science. Ce nouveau rapport transpire dans toute l’oeuvre du Capital où la copulation entre création artistique langagière et science marque une originalité dans le transfert au savoir dans sa réalisation même. Ce nouveau rapport est aussi un refus du postulat hégélien qui instaure un primat du théorique, primat du théorique qui n’est que la mise en place d’un savoir qui permettrait de juger ceux qui ne savent pas. Au contraire Marx crée un nouveau rapport entre le théorique et la pratique à partir de l’affirmation d’un primat de la pratique sociale, ce qui fait donc rupture épistémologique avec Hegel. Une base autre est établie qui combat « ceux qui accréditent comme réel le jeu des apparences »[1]. La science n’est pas neutre, sauf à définir la neutralité à partir de la Suisse et de ses banques. La science est un acte social.

 

Le dernier point dont je parlerai dans ce premier temps de présentation est que Le Capital est à la fois une théorie de la civilisation et une théorie de l’histoire…. Loin donc du stéréotype habituel qui l’habille pour les hivers à venir dans notre monde intellectuellement  dévasté.

Marx participe de manière déterminante à saisir l’intelligibilité humaine et ses mécanismes, les transferts de valeurs, qui sont toujours présences politiques à tous les niveaux aussi bien dans l’individuel que dans le collectif.

Le Capital dans son Livre I, comporte 8 sections. Althusser avait proposé de sauter dans la lecture la première section «  La marchandise et sa monnaie », car selon l’annonce de Marx lui-même fort difficile, et aller directement à la section 2, « La transformation de l’argent en capital » qui traite de l’exploitation capitaliste.

Plaçant la psychanalyse sociale et le transfert social comme outils privilégiés de lecture, je passerai au contraire beaucoup de temps à commenter la première section qui parle de percer un secret, le secret du mode de production capitaliste. Qui plus est l’analyse du fétichisme de la marchandise  - joyau de ce texte - est bien excitant pour un psychanalyste.

Une fois terminée l’analyse de la section 1, désobéissant décidément au Normalien Louis Althusser, je filerai vers la dernière section du Capital, la section 8. Cela marquera l’originalité de ce travail, suivant ainsi François Châtelet[2], qui donne cette indication : La première section est une véritable théorie de la civilisation, basée sur la valeur, tandis que la 8ème est une théorie de l’histoire, qui permet de saisir les coordonnées des actes qui permettent l’existence de cette civilisation, la civilisation de la marchandise. Cela permettra de penser les significations différentielles d’aujourd’hui et saisir  les opérations de pouvoir d’un groupe social.

Ainsi que l’indique Châtelet « Rien n’est sûr pour le capitalisme du XXème siècle : les prodigieuses riches qu’il produit sont aussitôt détruites »[3] . Tel est l’enjeu aujourd’hui dans lire Le Capital : partir d’une base autre pour saisir les conditions historique qui permettront une abolition de ce qui ne peut fonctionner que par la destruction humaine.

 

 

Hervé Hubert

 

 

[1] François Chatelet, Profil d’une oeuvre, Le capital, Marx , Hatier, Paris, 1975, p. 11

[2] idem, p. 31

[3] idem, p. 68

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