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RÉFLEXIONS ACTUELLES

Réflexions sur la révolution transgenre

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle[1], par son article 56 II, a ajouté au Code Civil les articles 61-5 à 61-8, créant une nouvelle section « De la modification de la mention du sexe à l’état-civil »

Cela est d’une importance considérable au regard du Droit antérieur pour les personnes portant la question transgenre, facilitant les démarches de changement d’état-civil.

Même si cela est bien en-deçà des lois argentine ( 2012), danoise (2014), maltaise (2015), irlandaise (2015) ou norvégienne (2016) qui fondent le changement de la mention du sexe sur l’autodétermination de la personne, il n’en est pas moins qu’une brèche s’est produite dans le principe prétendu indéboulonnable de l’indisponibilité de l’état des personnes.

Cela sera l’objet d sema réflexion.

J’ai découvert ce principe d’indisponibilité de l’état des personnes il y a un peu plus de vingt ans, en 1995, lorsque j’ai commencé à découvrir les questions portées par les personnes transgenres que je rencontrais en ma qualité de psychiatre.

J’avoue n’avoir rien compris sur le coup à ce que signifiait simplement ce principe d’indisponibilité   de l’état des personnes. Qu’est-ce que l’état d’une personne ? Pourquoi n’est-il pas disponible ? Je n’ai sans doute pas tout saisi aujourd’hui encore du fait de l’abstraction métaphorique en jeu.

Je me suis rapidement rangé du côté de la portée des sons que j’entendais en lisant et je butais psychanalytique-ment sur deux mots : état et indisponibilité. Toute recherche sur les mots commence par l’étymologie historique. D’après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, le substantif féminin indisponibilité est attesté en 1789. Cela n’est pas sans intérêt comme repère pour situer les moments historiques dans lesquels nous sommes pris parfois à notre insu.

Le mot « Disponibilité » est apparu dans la langue française en 1492, lors de la période historique de transition qu’est la Renaissance,  et signifie le « fait d’être disponible »,  mais surtout indique au XIXème et XXème siècle deux points que je soulignerai : « position d’un fonctionnaire placé hors service avec la possibilité d’être rappelé » et « état d’une personne  que rien ne contraint »

Cette disponibilité  renvoie donc à la liberté, un état d’une personne que rien ne contraint et au  paradoxe du fonctionnaire, donc de la fonction de l’Etat.

Disponible est emprunté au latin disponibilis, « dont on peut disposer » et apparaît donc à la fin du XVème siècle avec cette signification. Dans la seconde moitié du XIXème siècle la question de la liberté s’étend pouvant signifier « qui est libre de se consacrer à une quelconque activité » et encore « dont l’esprit est libre de tout engagement »

Ce travail épistémologique - pistons la logique des mots - m’a conforté dans mon impression première : il s’agit bien d’un rapport entre la liberté humaine et la privation, ici la contrainte imposée par l’Etat.

C’est au nom de ce principe abstrait imposé par l’Etat que les personnes transgenres se sont vues régulièrement refusé un changement d’état-civil en France. Lorsqu’en 1995 j’ai rencontré la première personne portant la question trans, la chose qu’elle m’a enseignée en priorité était l’importance vitale de pouvoir être nommée et genrée grammaticalement selon son identité réelle et non celle que le sens commun attribue selon l’anatomie, importance vitale qui noue pour un être humain, les mots, le images et le corps et donc la façon d’en être nommé.

La question transgenre en France porte un combat humain qui concerne étroitement le rapport entre la liberté humaine et le principe d’Etat. L’historien de la philosophie François Châtelet a travaillé ce rapport indiquant l’importance de « refuser tout principe posé d’emblée comme souverain ». Gilles Deleuze insiste sur le pur champ de l’immanence dans la quelle s’installe la philosophie de Châtelet . [2] Il rappelle la définition simple de toute transcendance donnée par l’historien : «  Dans notre jargon de philosophes, un principe posé à la fois comme source de toute explication et comme réalité supérieure, nous appelons cela transcendance »[3]

Ce principe transcendant tel qu’il est défini correspond bien à ce que je trouvais aberrant dans le syntagme : « le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes » qui résonnait pour moi comme un impératif transcendant, source de toute explication et réalité supérieure.

Ce principe est invoqué pour la première fois pour justifier l’arrêt du 16 décembre 1975 de la cour de Cassation qui refuse le changement de la mention du sexe à à l’état-civil.

Ce principe dans cet arrêt est corrélé à l’ordre public : « Attendu qu’après avoir relevé, sans dénaturer le rapport d’expertise, que Aubin s’est délibérément soumis à un traitement hormonal, puis, hors de France, à une intervention chirurgicale qui ont entraîné la modification artificielle des attributs de son sexe, la cour d’appel a décidé, à bon droit, que le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, au respect duquel l’ordre public est intéressé, interdit de prendre en considération les transformations corporelles ainsi obtenues »[4]

Cela a fait jurisprudence et il est intéressant d’écouter ce qui est écrit : « qu’il n’était pas admissible qu’un individu puisse se prévaloir d’artifices provoqués par lui-même pour prétendre avoir changé de sexe, ce qui serait violer la règle de l’indisponibilité de l’état des personnes »[5]

La règle issue de la transcendance renvoie à un ordre qui peut être violé. Cela en indique la valeur d’ordre moral quant il s’agit de changer la mention du sexe.

Cette position réactionnaire est condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 1992. Si la jurisprudence se modifie : « le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état-civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence », le sacro-saint principe de l’indisponibilité de l’état des personnes est sauvegardé : « le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ne faisant pas obstacle à une telle modification »

Comment asseoir cette sauvegarde ? : l’appel à l’ordre psychiatrique arrive. Cela sera important à noter dans l’étude de ce qui est appelé aujourd’hui dépsychiatrisation.

Ainsi Gérard Cornu écrit : « Par consolation (illusoire ou non), le substratum clinique et l’encadrement médical peuvent cependant être vus comme les données scientifiques, objectives et extérieures au patient, qui vont précisément accréditer le caractère non volontaire (non purement volontaire) du changement de sexe. Le sexe d’arrivée est un sexe de conviction, enraciné dans le psychisme, non un sexe d’élection, de convenance, de caprice ou d’emprunt. Le transsexuel n’agit pas, il « est agi », il subit et c’est vraiment pourquoi, dans la logique de cette vision, le transsexualisme échappe au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes. Le principe existe, mais il est sauf. Il n’est pas offensé »[6]

Il y a donc dans la genèse de la psychiatrisation d’êtres humains par d’autres êtres humains, qu’est la psychiatrisation des personnes portant les questions transgenre, plusieurs facteurs. Le « défaut du sexe » a été criminalisée par la religion catholique puis a été placée du côté de la folie et certains psychiatres s’en sont emparés. Lacan aura un rôle négatif à ce sujet dès 1958, dans un article fondé sur son nouveau concept de forclusion du Nom du Père. Dans cet article au style autoritaire, dogmatique et borné « au nom du père », il placera la question du côté de ce qu’il appelle « la psychose » et cela marque encore les psychanalystes aujourd’hui. A partir de la condamnation de la France en 1992, la question des droits de l’homme a été recouverte par une psychiatrisation[7], et le savoir psychiatrique est donc venu boucher le trou, combler la faille qui menaçaient le principe abstrait et imposé de l’indisponibilité de l’état des personnes. Le savoir psychiatrique est venu prendre place de garantie pour faire tenir un ordre tenu par un principe transcendant. Le savoir psychanalytique  dont la fonction serait plutôt de témoigner d’une faille, est venu prendre le rôle souligné par François Châtelet à propos de la doctrine freudienne, celui d’: « (…) une institution  répressive articulée sur l’ordre psychiatrique et une technique de normalisation sociale »[8].

Le trou commence à se découvrir, et c’est là une des portées de ce que j’appelle la révolution transgenre, lorsque le Défenseur des Droits recommande au gouvernement de mettre en place une procédure déclarative rapide et transparente comme « étant la seule procédure totalement respectueuse des droits fondamentaux des personnes trans, tels que garantis notamment par l’article 8 de La Cour Européenne des Droits de l’Homme. Ce qui est à noter dans cette recommandation est que se concrétise la rupture entre un principe et l’absolu qui lui était attenant. Il est indiqué en effet : « En l’état actuel du droit, rien ne fait obstacle à ce qu’un officier d’état civil modifie l’état civil d’une personne puisque le principe de l’indisponibilité de la personne - ou plus concrètement l’immutabilité - n’est pas un principe absolu auquel le législateur ne peut pas déroger.

Cette recommandation est faite dans une décision cadre du 24 juin 2016.

C’est donc dans ce contexte qu’est créée par la loi du 18 novembre 2016 une nouvelle section « De la modification de la mention du sexe à l’état civil »

Ce qui est très important dans la vie des personne trans est  la chose suivante : «  le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande »

La procédure de changement d’état civil est donc dite dé-médicalisée et donne ainsi la possibilité de se passer d’un avis psychiatrique.

Il y a au niveau du droit, création d’une possession d’état de sexe et le fait essentiel que cela puisse être établi à partir d’un fait social.

Il y a donc un chemin qui s’amorce vers la reconnaissance de la transidentité par le biais du social.

Ce qui reste encore du principe absolu de l’indisponibilité de la personne n’est donc plus du côté du médical mais du côté  de la judiciarisation de la procédure.

La question du principe absolu mérite d’être analysée. Hegel, l’auteur de la phénoménologie de l’Esprit, le père de l’Etat moderne que nous connaissons aujourd’hui dans le monde accidentalisé, noue le savoir absolu et la politique[9]. François Châtelet signale que Napoléon avait entrevu cet état moderne. Le fait est que Hegel voyant passer Napoléon sous ses fenêtres à Iena  écrit qu’il vient de voir l’Esprit à cheval ! Cela en dit long sur le meurtrier qui se cache dans la philosophie de l’histoire hégélienne et ce louche refus de voir le meurtre dans le transcendant « savoir absolu », alias « principe absolu ».

La Révolution française pour Hegel réconcilie l’esprit avec le Divin, un programme qui légitime  donc tous les meurtres, toujours déplorés mais qui sont enterrés avec transcendance : « Il était nécessaire qu’il en fut ainsi » au nom du sens de l’histoire, de la philosophie de l’histoire, du Père Idéal, du Père Mort, qui bâtissent le Droit.

L’enfermement carcéral concernant l’utilisation du nom a bien été mis en place pour la France dans la période historique post-révolutionnaire. Il suffit de comparer le décret du 24 brumaire de l’an II  (14 novembre1793), à celui  du 6 fructidor d l’An II ( 23 août 1794 ) puis du 13 nivôse de l’an X ( 3 janvier 1802 ).

Pour l’an II de la République, le 24 brumaire, pendant la Convention montagnarde donc, le décret, relatif à la faculté qu’ont tous les citoyens de se nommer comme il leur plaît, en se conformant aux formalités prescrites par la loi,  indique : « Toute personne peut demander à l’officier de l’état civil à changer de prénom. la demande est remise à l’officier de l’état civil du lieu de résidence ou du lieu où l’acte de naissance a été dressé. S’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L’adoption, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut également être  demandée ».

Pour l’an II de la République, le 6 fructidor, quelques mois plus tard pendant la Convention thermidorienne donc, cette liberté est abolie : « Aucun citoyen ne pourra porter ni de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de le reprendre »

Pour l’an X, deux ans après le coup d’Etat ayant porté Napoléon Bonaparte au pouvoir, le décret est le suivant, tentant de nuancer le précédent et introduisant le judiciaire : «  Les principes sur lesquels reposent l’état des hommes s’opposent à toute rectification des registres qui n’est pas le résultat d’un jugement provoqué par les parties intéressées à demander ou à contredire la rectification ; que ces principes ont toujours été respectés comme la plus ferme garantie de l’ordre social ; qu’ils ont été solennellement proclamés par l’ordonnance de 1667, qui a abrogé les enquêtes d’examen à futur ; qu’ils viennent d’être encore consacrés dans le projet de la troisième loi du code civil ; qu’on ne pourrait y déroger sans porter le trouble dans les familles, et préjudicier les droits acquis. » Il est à noter que la référence pour le trouble possible est l’ordre social et non l’ordre public qui fait référence beaucoup plus directe à l’Etat comme dans l’arrêt du 16 décembre 1975 de la cour de Cassation déjà cité.

Ce qui me paraît intéressant est qu’une révolution aussi forte que la Révolution française a renversé  en Brumaire de l’an II, un ordre de pouvoir, de dominations et a touché la nomination et le Droit de nomination. Cela  a renversé l’ordre ancien proclamé à Saint-Germain-en-Laye en 1667 par le Roi Louis XIV, inscrit dans le code Louis.

Comment ne pas ouïr le retour de l’ordre féodal dans le Droit sur cette question de la nomination quelques mois après une législation qui l’abolissait ? Comment ne pas ouïr que les transcendances de la période post-révolutionnaire ont pris la place du Dieu Médiéval et qu’elles «  (…) exercent avec une férocité accrue leurs taches d’organisation et d’extermination »[10]

Ces transcendances font fonctionner les principes du savoir absolu, ceux qui font naître le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes.

C’est ici où un retour à Marx pourra nous aider. Dès le début de son travail philosophique, il part d’une base autre que celle de Hegel. Il a l’intuition de l’illusion Hegel qui transforme la vie ne concepts : « Dans le sytème de Hegel, ce sont les idées, pensées, concepts qui ont produit, déterminé, dominé la vie réelle des hommes, leur monde matériel, leurs rapports réels »[11], ou encore que l’Etat est un monde à l’envers[12]. Marx part de la pratique sociale, de l’analyse de cette pratique et de ce qui s’y transfère à l’insu des personnes dans des rapports de domination. La question transgenre fait révolution dans différents registres, cassant les ordres binaires et donc l’ordre hégélien bâti sur le savoir absolu qui produit l’Etat savant[13], celui des experts infatués-infatueurs qui pensent avoir un savoir sur les autres humains au nom de la transformation de la vie de ces derniers en concepts qui ne sont que leurs idées.

 

 

Toute pratique humaine produit une théorisation et une dialectique s’établit alors entre pratique et théorie. Le concept prend ainsi une signification dans une pratique sociale qui renvoie à la vie sociale. Cette vie humaine existe avec des valeurs concrètes qui la font fonctionner socialement, et il arrive régulièrement qu’une valeur ne fonctionne plus et que le concept lié à cette valeur meure. Un concept est fait pour mourir indique Gaston Bachelard.

Un certain nombre de concepts qui font tenir un ordre de domination sont en voie d’extinction grâce à la révolution transgenre et cela est un point essentiel : les personnes qui portent les questions trans portent des questions paradigmatiques concernant l’être humain et elles sont multiples. J’ai choisi ici l’une d’entre elles qui concerne l’état-civil, la nomination et les pouvoirs de domination. Cette question est cruciale renvoyant à celle de la propriété aussi bien dans le premier groupe social qu’est la famille que dans l’Etat. Avec les droits concernant la nomination, la filiation, la disposition de son corps s’ouvrent des questions concernant la fonction sociale des propriétés dans les civilisations. Cela concerne aussi bien les valeurs sociales du sang, de la race, de l’héritage et de la force autoritaire qui peut s’y raccorder. Questions actuelles donc !

 

Hervé Hubert

 

 

 

 

 

[1] Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016

[2] Gilles Deleuze, Périclès et Verdi, Les Editions de Minuit, 1988, Paris, p. 7

[3] idem, p 7-8

[4] Cass. 1re civ, 16 décembre 1975, pourvoi n°73-10.615, Bull. civ. 1975, n°374, p. 312

[5] Cass. Ass. plén 11 décembre 1992, pourvoi n°91-11.900, Bull. civ. 1992, n°13, p. 27

[6] Gérard Cornu, Droit civil : introduction au droit, Paris, Montchrestien, 2007, p. 262

[7] Cela transparait clairement dans l’article de Cornu

[8] François Châtelet, Histoire de la philosophie, tome VIII, Hachette, 1973, p. 338.

[9] voir François Châtelet, Le savoir absolu et la politique, in L’apathie libérale avancée et autres textes critiques, choisis et présentés par Ivan Chaumeille, Le Seuil, Paris, 2015, p. 230-234

[10] François Châtelet, Les années de démolition, Hallier, Paris, 1976, p. 263

[11] Karl Marx, L’Idéologie allemande, Editions sociales, Paris, 1966,  p. 15

[12] Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel - Introduction, écrit fin 1843 - janvier 1844, paru dans les Annales franco-allemandes, Paris, 1844.

[13] Voir François Châtelet, « L’Etat…Le monstre le plus froid… » in L’apathie libérale avancée, opus cité, p. 218

Ancre 1
Ce que « Le Capital » apporte à la psychanalyse sociale

Ce texte est celui de la conférence faite à l'Université Lomonosov à Moscou le 20 mai 2017 pour travailler les 150 ans du Capital.

Je le publie le 5 mai 2018 pour les 200 ans de la naissance de Marx afin de souligner l'importance de ce dernier pour un travail psychanalytique novateur et nécessaire.

 

150 ans après sa publication,  je souhaite faire une proposition concernant la lecture du Capital qui pourrait apparaître dans un premier temps, insolite. Je soutiens en effet que l’oeuvre majeure de Marx est d’un apport fondamental et crucial pour la psychanalyse . En allant plus loin je soutiens que « Das Kapital » est même le point de fondation de ce que nous avons nommé « psychanalyse sociale »

La psychanalyse sociale telle que je l’ai définie se distingue de la psychanalyse classique en prenant pour objet premier le social. Son concept fondamental est le transfert social (1). Le champ d’intervention de la psychanalyse sociale est bien sûr l’analyse des processus sociaux et politiques mais, considérant l’individu comme un être social, il serait une erreur de croire que la psychanalyse individuelle ne soit dans son champ. 

Au contraire il s’agit  de pouvoir transformer les pratiques et les théories qui règnent actuellement  sur le domaine de la psychanalyse dite individuelle pour pouvoir répondre aux besoins actuels. Cette référence au social est basée sur l’apport fondamental de Marx : l’être humain est un être social. L’enjeu est dès lors de faire Révolution dans le monde psychanalytique aujourd’hui.

 

1. L’importance de la première section du Livre I du Capital pour la psychanalyse sociale

La première section du Livre I a incontestablement une spécificité dans le Capital et dans l’oeuvre de Marx : elle est difficile, et Marx indique clairement ce caractère dans sa Préface. Il en est résulté pendant longtemps une tendance à éviter son analyse. Il y a eu une tendance philosophique à aller directement à la section II qui aborde de façon plus directe l’exploitation capitaliste et ses mécanismes. Telle a été par exemple la position de Louis Althusser. 

Je pense au contraire très important de tenir compte du voeu initial de Marx qui met en premier cette Section « Marchandise et monnaie » et indique dans sa Préface qu’elle seule permet de comprendre ce qu’est l’économique. J’ajouterai que son étude permet de saisir comment Marx dans sa démarche scientifique procède pour analyser l’économie, les processus sociaux et plus encore les rapports sociaux entre individus. Il y a une méthode Marx qui se dévoile dans son analyse du réel social. Dans sa préface il écrit  «  La forme de la valeur réalisée dans la forme monnaie est quelque chose de très simple. Cependant, l’esprit humain a vainement cherché depuis plus de deux mille ans à en pénétrer le secret…». Il s’agit bien de percer un secret, le secret du mode de production : produire, consommer, échanger ce qui est produit. Marx parlera dans la Section II de transfert de valeurs, Wertübertragung et cela est en étroite relation avec la méthode qui permet d'analyser le secret, et ce terme de transfert n'est pas "sans valeur"  par rapport à la question psychanalytique.

 

 

Plus important encore pour notre propos, cette Section I concerne l’analyse fondamentale de la civilisation, celle dans laquelle nous vivons aujourd’hui, la civilisation capitaliste. Je citerai dans ce contexte précis l’historien de la philosophie François Châtelet : « La Section I est une théorie de la civilisation ( comme en ont élaboré Rousseau et Freud ) », cette Section I pose aussi « les fondements d’une théorie révolutionnaire de la civilisation » (2). 

 Marx en effet insiste sur la forme de la valeur et son rapport au fonctionnement de la société, le fonctionnement économique et les rapports sociaux, les rapports entre humains. Dans cette première Section nombreux points d’analyse sont mis en position d’homologie entre les "rapports d’échange entre les marchandises" et les "rapports humains". Marx l’explicite clairement dans une note de bas de page du paragraphe sur la teneur de la forme valeur relative : « A certains égards, il en va de l’homme comme de la marchandise »

L’objet de l’analyse de Marx dans cette première partie du Capital est clairement l’analyse des relations que tissent les individus dans le social, les ressorts qui permettent de les rendre intelligibles et cela est un élément crucial à prendre en compte aujourd'hui pour une psychanalyse qui ne soit engoncée dans une psychopathologie.

 

2. Apports et apories de la psychanalyse classique.

 

Freud a établi une pratique de rencontres humaines spécifiques instituant d’après François Châtelet une révolution dans les rapports sociaux, un nouveau rapport entre théorie et pratique. Son outil a consisté en une pratique humaine de « Dire sur le divan ce qui vient à l’esprit et d’associer librement les mots ». Cette pratique a été nommée par Freud, transfert, Ubertragung . Ce terme est souvent réduit à la question de l'amour, amour de transfert, amour adressé au savoir et sa supposition. J'insiste à partir de ma pratique que ce transfert est aussi transfert de mots, d’images, de sensations corporelles qui surviennent dans ce que produit la répétition des rencontres : l’amour et la haine. J'insiste sur ce point car il y a effectivement au départ une analyse freudienne qui fait révolution par rapport à l'approche psychologique ou psychiatrique. Le philosophe Georges Politzer le souligne dans son ouvrage fondamental  " Critique des fondements de la psychologie"en 1928 : la psychanalyse freudienne porte une inspiration nouvelle, celle du concret.

Politzer qui reste aujourd'hui  le critique inégalé de la psychanalyse freudienne fait dès cette étape une remarque cruciale :  les démarches classiques seules permettent de donner un sens à l’inconscient. L'inconscient freudien ne peut prendre sens qu'à partir de la psychologie abstraite classique, tel est l'obstacle qui nourrit l'aporie freudienne.

Lacan critiquera l’inconscient des profondeurs de Freud, métaphysique, et donnera une définition matérialiste orientée sur la question du rapport entre le savoir et sa négation, l’insu. L’inconscient devient un savoir insu. 

Lacan dit avoir lu Le Capital dans le métro à l’âge de 20 ans. Il a souligné combien l’oeuvre de Marx avait anticipé Freud et lui-même sur différentes questions : le symptôme, le fétichisme, le stade du miroir, la valeur. Il se servira du concept de plus-value pour bâtir son concept fondamental de plus-de-jouir, en position d’homologie indique-t-il.

L’importance de Lacan en psychanalyse sociale est certaine :  il met Marx dans le champ de la psychanalyse, c’est-à-dire dans le champ de la pratique psychanalytique. Je pense que Lacan restera célèbre pour cette raison et nulle autre : avoir introduit Marx ! La raison de l'aporie de Jacques Lacan est simple : il reste dans une approche philosophique de la psychanalyse, dans la transcendance, comme Hegel reste dans une philosophie de l’Histoire transcendantale. Il sera hégélien jusqu’à la fin de son enseignement et rate  dans son élaboration, le renversement fait par Marx concernant Hegel. Cela en fait donc sa limite et il convient de mesurer la dangerosité de mettre comme primat la transformation de la vie des être humains en concepts.

 

 

 

 

3. L’importance du concept de Wertübertagung

 

Freud à partir du transfert Ubertragung travaille la question de ce que nous ne voulons pas savoir dans ce qui fait fonctionner notre vie mentale. Marx à partir du transfert de valeurs Wertübertragung travaille la question de ce que nous ne voulons pas savoir dans ce qui fait fonctionner notre vie sociale.

Cette homologie que je mets en avant lie directement la pratique psychanalytique à la pratique sociale. Elle ne vient nullement rajouter Marx à la psychanalyse ou Freud au marxisme. Elle n’est pas freudo-marxiste.

La psychanalyse sociale met en avant la base sociale au fondement de la psychanalyse, prenant pour base la proposition avancée par Marx :l’être humain est un être social. 

Cet être social est pris dans des rapports sociaux et ces rapports sont analysés de façon très subtile dans la Section I. 

J’extraie du travail de Marx le fait que lorsqu’il parle du rapport des marchandises entre elles, dans le cadre du mode de production capitaliste, il parle aussi des rapports entre les êtres sociaux. Je souligne que cela se fait avec l’outil conceptuel spécifique de cette section sur la marchandise : le concept de forme-valeur. Ainsi lorsqu’il évoque dans le chapitre sur la forme-valeur relative que « Grâce au rapport de valeur, la forme naturelle de la marchandise B devient donc la forme valeur de la marchandise A, ou encore, le corps de la marchandise B devient le miroir de valeur de la marchandise A », il spécifie bien : «  A certains égards, il en va de l’homme comme de la marchandise. Comme il ne vient pas au monde muni d’un miroir, ni de la formule du Moi fichtéen, l’homme se regarde d’abord dans le miroir d’un autre homme » (3)

Les exemples foisonnent permettant de faire des homologies applicables à la pratique psychanalytique.

Ainsi dans le transfert de valeurs entre les marchandises A et B, Marx glisse vers les rapports humains : « Derrière son âme bien boutonnée, la toile a reconnu sa belle parente, l’âme valeur. L’habit pourtant ne peut représenter de valeur face à la toile, sans que pour cette dernière la valeur ne prenne en même temps la forme d’un habit. C’est ainsi que l’individu A ne peut se rapporter à l’individu B comme à une Majesté, sans que la Majesté prenne en même temps pour A la forme corporelle de B, et change donc de forme de visage, de chevelure et de bien d’autres choses encore, chaque fois qu’on change de bon père du peuple » (4)

 

L’apport de Marx est crucial pour la pratique psychanalytique individuelle ou collective. L’analyse du rapport entre marchandises appliqué aux êtres sociaux concerne le rapport d’égalité fondé sur le rapport de valeur, et donc les différences sociales. 

Le transfert psychanalytique concerne ce qui trompe, ce qui est caché. Le transfert de valeur sur un produit dans la logique capitaliste passe également par la duperie : ce qui trompe, ce qui se cache dans le rapport de valeur entre les êtres humains. Là encore Marx est précurseur de cette conception du transfert qui sera déployée par Lacan.

 

4. Le primat de la valeur d’échange et ses conséquences dans le transfert de valeurs

 

La relation logique entre les marchandises implique d’étudier le rapports entre l’échange et la valeur. L’échange implique le principe d’égalité entre des produits, alors que ces produits sont produits de différents travaux. L’échange induit la valeur. 

 

Dans le chapitre «  Le caractère fétiche de la marchandise et son secret » Marx multiplie les positions homologues avec la psychanalyse. Il parle de secret, de fantasmagorie, de transformation.

Ce qui nourrit ce que j’ai appelé le transfert social mais aussi bien le transfert psychanalytique est clairement décrit : jeu de supposition et d’attribution, rapport au caché, au trompeur, au jouisseur, à l’insu, au ne pas vouloir savoir.

J’extrairai simplement cette phrase : 

« Ce n’est donc pas parce que les produits de leur travail ne vaudraient pour eux que comme enveloppes matérielles d’un travail humain différencié que les hommes établissent des relations mutuelles de valeur entre les choses. c’est l’inverse. C’est en posant dans l’échange leurs divers produits comme égaux à titre de valeurs qu’ils posent leurs travaux différents comme égaux entre eux à titre de travail humain. Ils ne le savent pas mais ils le font pratiquement. La valeur ne porte donc pas écrit sur le front ce qu’elle est. la valeur transforme au contraire tout produit du travail en hiéroglyphe social. Par la suite, les hommes cherchent à déchiffrer le sens de l’hiéroglyphe social, à percer le secret de leur propre produit social, car la détermination des objets d’usage comme valeurs est leur propre production sociale, au même titre que le langage » (5)

 

C’est donc l’analyse de ce rapport entre l’échange, la valeur et l’égalité qui concerne le travail et donc le rapport d’exploitation, de meurtre que s’analyse la duperie dans laquelle se produisent les rapports humains et leur violence. 

Il s’agit d’insister sur la portion suivante de la phrase précédemment citée pour  trouver une clé d’interprétation :

« C’est en posant dans l’échange leurs divers produits comme égaux à titre de valeurs qu’ils posent leurs travaux différents comme égaux entre eux à titre de travail humain. Ils ne le savent pas mais ils le font pratiquement. »

C’est le rapport de l’échange et de l’égalité via la valeur et son rapport qui produit le hiéroglyphe social et le rapport au travail d’interprétation. La forme valeur  a un rôle crucial dans cette logique. Point révolutionnaire pour la question psychanalytique : l'inconscient, l'insu est du côté du faire : "Ils ne le savent pas mais ils le font pratiquement"

L'inconscient est du côté de ce que nous faisons, produisons dans la vie sociale et le travail psychanalytique doit d'abord partir de cette donne. Marx part ainsi du concret de la jouissance dans les rapports sociaux, de ce qu'ils produisent et de leurs effets dans le relations entre les êtres humains. Il donne l'orientation cruciale pour analyser les transferts singuliers dans ce qui noue le rapport d'échange et l'égalité d'où il peut être tiré un enseignement révolutionnaire dans la pratique d'interprétation.

 

 

5. Les conséquences de l’apport de Marx pour la psychanalyse sociale.

 

Marx dans la première section du Capital fournit donc avec l’analyse des faits sociaux via la forme valeur un apport décisif pour la théorie et la pratique de la psychanalyse. Ce que nous venons de mettre en évidence est la forme logique de la matière en jeu dans la logique du Wertübertragung.

Marx met en place un procès d’objectivation du fait social. Le transfert psychanalytique est un fait social. En travaillant les rapports entre échange, égalité, travail, valeur et forme nous arrivons à séparer l’objectivation sociale du fantasmagorique où vient se loger le phénomène religieux. Cela est un repère essentiel dans la pratique psychanalytique. Cela est également une boussole importante pour éclairer ce qu’il y a de phénomène religieux dans la pratique psychanalytique classique et donc modifier cette dernière.

Avec le concept de transfert de valeurs, de formes valeurs, il est possible de proposer une analyse des formes valeurs contenues dans les mots, les images et les sensations de corps chez les êtres sociaux. Cela peut s’appliquer aussi bien dans le collectif que dans l’individuel.

A partir du travail effectué par le philosophe marxiste Georges Politzer sur le nazisme j’ai pu analyser la duperie portée par les valeurs du nazisme pendant la seconde guerre mondiale et leur fonctionnement : valeur « sang » contre valeur « or ».

J’ai pu également fournir une logique de fonctionnement du phénomène transidentitaire. En remplaçant « habit » par « habit de femme » et « toile » par « peau » dans le texte déjà cité de Marx dans le Capital, on obtient la logique du phénomène transidentitaire « L’habit pourtant ne peut représenter de valeur face à la toile, sans que pour cette dernière la valeur ne prenne en même temps la forme d’un habit » (6) se transforme en « L’habit de femme pourtant ne peut représenter de valeur face à la peau, sans que pour cette dernière la valeur ne prenne en même temps la forme d’un habit de femme »

Cette logique permet d’expliquer et rendre intelligible le phénomène transidentitaire au contraire de la psychanalyse classique qui parle de maladie mentale dans un cadre très rétrograde à ce sujet et entrave le traitement de transformation hormono-chirurgicale qui pousse vers la vie.

 

Avec le Capital apparaît donc évident le rôle émancipateur de Marx là aussi. Ce qui est ignoré  chez Lacan dans ses constructions  homologues concerne toutes les conséquences de la prise en considération du meurtre du prolétaire au fondement de la plus-value ainsi que le concept de sous-homme qui s’y raccorde. Cela obture les perspectives les plus créatrices et les plus libératoires.

Les perspectives d’émancipation sociale sont grandes avec la psychanalyse sociale, qui bâtit un nouveau rapport anthropologique au meurtre et qui contre le concept d’aliénation mentale déclare : «  Il n’y a pas de maladie mentale mais une souffrance du social dans le mental », en prenant  par rapport à la question de la souffrance humaine l’orientation donnée par Marx  dans ses Manuscrits de 1844 : « (…) comprise d’une manière humaine, la souffrance est une jouissance que l’homme a de soi » (6)

 

Docteur Hervé Hubert

Psychiatre, Psychanalyste

Moscou le 20 mai 2017

(1) http://cocowikipedia.org/index.php?title=Transfert_social

(2)  François Châtelet, Profil d’une oeuvre Le Capital Marx, Hatier, Paris, 1975, p. 31 et 38

(3) Karl Marx, Le Capital, PUF, Paris, 1993, p. 60

(4) idem, p. 57

(5) idem, p. 84-85

(6) idem, p 59

(7) Karl Marx, Les Manuscrits de 1844, Troisième manuscrit, propriété privée et communisme, in Marx, Le monde de la philosophie, Flammarion, Paris, 2008, p.119

J'ai le plaisir de joindre en annexe l'argument préliminaire à cette conférence "Ce que « Le Capital » apporte à la psychanalyse sociale". Ce texte a été traduit en langue russe par Maria Karzanova.

Что привносит чтение «Капитала» в «социальный психоанализ»?

 

Я предлагаю обратиться к первому разделу первого тома работы «Капитал», и извлечь из него некоторые элементы, позволяющие понять его вклад в то, что я назвал «соцальным психоанализом». 

Специфика социального психоанализа заключается в том, что, в отличае от классического психоанализа, его непосредственным объектом изучения является социум, а основным понятием – социальный перенос (1). Социальный психоанализ исследует социальные процессы, но так как человек неотделим от определённой системы, индивиуальный психоанализ также включён в поле исследования. 

Французский психоаналитик Жак Лакан подчеркивает важность работы Маркса, говоря о том, что в таких вопросах как симптом, фетишизм, стадия зеркала, ценность, этот последний опередил и Зигмунда Фрейда, и его самого. Лакан также базируется на понятии «прибавочной стоимости» Маркса при создании психоанатического понятия «прибавочное наслаждение». Опираясь на исторический материализм Маркса, я хочу продемонстрировать, каким образом немецкий философ стал первый аналитиком социального и историчекого переноса, функционирующего в обществе, тогда и сейчас. 

Для этого, я обращусь к первому разделу первой части книги. Сам Маркс в предисловии признаёт сложность этой части, оправдывая тем самым философскую тенденцию скорее переходить ко второму разделу, который более непосредственно описывает капиталистическую эксплуатацию и её механизмы. Например, именно такой является позиция Луиса Альтусера. Тогда как, на мой взгляд, следует учитывать узначальное желание Маркса, который заявляет об особой важности радела «Товар и деньги» для понимания экономического феномена в целом, но также социальных процессов и социальных отношений между людьми. 

В этом контексте, я согласен с мнением философом Франсуа Шатле (2) : «Первый раздел является теорией цивилизации», но также возлагает «основы революционной теории цивилизации». Маркс действительно подчеркивает форму стоимости и ее отношение к функционированию общества, экономики и социальных отношений, отношений между людьми. В своём предисловии он пишет, что «форма стоимости, получающая свои законченный вид в денежной форме, очень бессодержательна и проста. И, тем не менее, ум человеческий тщетно пытался постигнуть ее в течение более чем 2 000 лет, между тем как, с другой стороны, ему удался, но крайней мере приблизительно, анализ гораздо более содержательных и сложных форм. Почему так?». Маркс стремиься проникнуть в тайну способа производства: производить, потреблять, делиться тем, что производится. 

В этом первом разделе, Маркс постулирует возможность гомологии между товаром и человеком. Мы можем прочитать в одной из ссылок, что «в некоторых отношениях человек напоминает товар». 

Таким образом, объект анализа Маркса в первой части «Капитала» очевидно является анализом отношений, которые устанавливает человек с социумом. Можно привести много примеров, которые показывают гомогенность между психоаналитическим подходом и подходом Маркса:

  • Вопрос  секрета, который я упомянул выше;

  • Вопрос расшифровки иероглифа: «У стоимости не написано на лбу, что она такое. Более того: стоимость превращает каждый продукт труда в общественный иероглиф. Впоследствии люди стараются разгадать смысл этого иероглифа, проникнуть в тайну своего собственного общественного продукта, потому что определение предметов потребления как стоимостей есть общественный продукт людей не в меньшей степени, чем, например, язык»;

  • Понятие неизвестного и его функционировение: «Приравнивая свои различные продукты при обмене один к другому как стоимости, люди приравнивают свои различные виды труда один к другому как человеческий труд. Они не сознают этого, но они это делают»;

  • Вопрос маски: «Понятия, используемые в «Капитале» осуждают капитализм. Капитализм показывает не то, чем он является и является не тем, что он показывает»;

  • Вопрос обмана и функции мистификации;

  • Вопрос о фетишизма и фантасмагорической форме;

Таким образом, целью моей презентации будет анализ подобных гомологий между понятиями выдвенутыми в «Капитале» и теорией социального переноса. Критика политической экономики, выдвинутая в книге, опирается на их материальность. Эта критика становится политическим анализом и инструментом ориентирующим практику материальной трансформации социума. Маркс анализирует социальные отношения, связывающие людей, что в свою очередь является существенным вкладом в социальные психоанализ, позволяющий критический взгляд на психоанализ классический.   

 (1) http://cocowikipedia.org/index.php?title=Transfert_social 

 (2)  François Châtelet (1925 -1985 ) стал приемником Мишеля Фуко в руководстве кафедры философии университета Vincennes - Paris VIII.

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